La France en Afghanistan: le narcissisme des uns, le désengagement des autres

Le 22 septembre dernier, notre Assemblée Nationale s’est constituée en session extraordinaire pour que nos parlementaires puissent débattre du bien fondé de la présence militaire française en Afghanistan. Ce débat faussement ouvert s’est évidemment soldé par un vote de l’Assemblée en faveur du maintien des forces françaises dans ce pays et à l’envoi de « moyens supplémentaires » afin que notre armée puisse y assurer convenablement sa mission.

Ce débat, qui aura eu néanmoins le mérite d’exister, vient hélas nous confirmer que l’islamisme radical afghan a encore de beaux jours devant lui tant l’aveuglement de nos politiques est flagrant. Les uns, comme Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste de l’Assemblée, ont été prompts à dénoncer ce qui constitue désormais à leurs yeux une « guerre d’occupation » tandis que les autres, forts de leur majorité et atteints d’atlantisme aigue, considèrent encore l’option militaire comme la réponse principale à la résolution de ce conflit qui ne dit pas son nom.
En premier lieu nous serions donc en face d’un désengagement militaire irresponsable et criminel qui laisserait ainsi une grande partie de la population aux mains des Talibans. Ces derniers puissamment armés et surtout largement financés par le trafique d’opium dont ils maîtrisent maintenant les réseaux (la production annuelle est passée de 185 tonnes en 2001 à 8 millions de tonnes en 2007-source United Nations Office on Drugs and Crime) profiteraient alors de ce retrait pour soumettre Kaboul et renverser un régime aux abois et sous-perfusion permanente. L’Afghanistan moderne et démocratique que l’OTAN semble vouloir édifier n’aura alors été qu’un mirage et le pays serait livré à ces «fous de dieu» qui, comme l’indiquait justement François Fillon, savent jouer de nos hésitations . En second lieu, l’envoi de troupes supplémentaires, qui dans une logique réaliste semble devoir s’imposer, ne saurait alors se substituer à une aide plus globale et mieux planifiée.
Lors de la très médiatisée conférence sur l’Afghanistan de juin 2008 qui à Paris réunissait 80 délégations, la communauté internationale a ainsi promis de débloquer plus de 20 milliards de dollars d’aide d’urgence. Mais quant est-il réellement de l’aide financière et de son utilisation ? Certains experts estiment que jusqu’à présent près de 95% de l’aide étaient ainsi alloués aux dépenses militaires (achat de matériel, entraînement, développement de bases militaires…), tandis qu’il ne resterait alors que 5% pour la reconstruction, l’éducation et le développement des infrastructures sociales. Certains chiffres viennent en effet tristement confirmer ce constat. On estime que par exemple 69% de la population n’a pas accès à l’eau potable ou qu’un 1 Afghan sur 2 souffre de malnutrition chronique (source http://planetevivante.wordpress.com/). Ainsi faute de moyen, le peuple afghan ne pourra que trés difficilement se reconstruire socialement et politiquement, et il ne faudrait pas alors s’étonner que les talibans, craints mais néanmoins organisés, représenteront encore pour longtemps la seule alternative au régime corrompu de Kaboul. De plus, la France si prompt à participer activement aux opérations militaires n’est l’un que des donateurs les moins généreux. Ainsi depuis 2002 l’aide financiére française ne s’éléve en effet qu’à 113 millions d’euros, tandis que la Grande Bretagne, participant aussi activement aux opérations de l’OTAN aura quant à elle versé jusqu’en 2009 plus de 800 millions de dollars (source Mission d’Aide au Développement Rurale en Afghanistan- www.madera-asso.org).
A l’époque de la guerre du Viet Nam un ‘certain’ MacNamara avait alors émis l’idée de conquérir les cœurs et les esprits de la population afin de mettre définitivement un terme au conflit. Même si ce constat n’en restera qu’au stade de belles paroles, la France, rayonnant encore de son héritage humaniste, pourrait alors s’en inspirer pour qu’elle repense sa stratégie afghane dans sa globalité et qu’elle persévère là où d’autres pays ont échoué. Le moyen d’endiguer la résurgence de l’islamisme radical en Afghanistan passerait donc d’abord par le maintien d’une forte présence militaire qui contrôlerait fermement les principaux nœuds urbains du pays, mais aussi et surtout par une aide financière accrue visant à rétablir un véritable Etat de droits. Un Etat indépendant et solide sur lequel le peuple afghan, encore en proie à l’incertitude, puisse se reposer pour qu’il se prenne enfin main et soit autonome.

Geoffroy Saint-Grégoire
ouverture.internationale@gmail.com

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